Mathys Viersac est doctorant au Laboratoire VIPS² – Université Rennes 2. Il a reçu le prix du Jeune chercheur pour cette communication lors du Colloque du REDESP.

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Résumé de la communication de Mathys Viersac

Les Jeux olympiques sont souvent considérés par leurs organisateurs comme étant les porteurs de retombées positives (MacAloon, 2008). En ce sens, il est considéré que les Jeux laisseraient automatiquement un héritage à long terme pour les populations. Pour autant, les travaux scientifiques, croissants sur la thématique, tendent à établir un bilan plus contrasté. Les grands événements sportifs internationaux pourraient provoquer des effets autant « positifs » que « négatifs ». En d’autres termes, les effets sont plus ou moins en accord avec les usages qu’en font les différentes parties prenantes. De surcroit, les formes qu’ils prennent sont multiples et déjouent souvent les anticipations. Ainsi, les Jeux olympiques regroupent un certain nombre de potentialités d’effets, dont les retombées doivent être scientifiquement analysées au risque d’en obscurcir la réalité. Dans ce champ scientifique, la grande majorité des études s’intéresse à la manière dont le territoire hôte et les communautés locales bénéficient ou subissent l’effet « Jeux olympiques ». Cependant, des travaux récents, et notamment ceux de L. Potwarka et collaborateurs (2021), consacrent un intérêt aux territoires étrangers, c’est-à-dire à ceux qui n’organisent pas la compétition. De cette manière, un nouveau terrain de recherche s’ouvre dans le cadre des études des héritages potentiels. Néanmoins, une des difficultés majeures de ce type de recherche consiste à prouver, ou non, les héritages en s’intéressant aux liens de causalités entre l’événement et les effets observés (Scheu & Preuss, 2017). Cela revient à s’intéresser aux acteurs qui s’approprient l’événement pour accélérer certains débats ou encore initier des dispositifs relatifs aux sports (Weed et al., 2015).

Par conséquent, cette étude, dont les données sont issues d’un travail de mémoire, vise à comprendre la manière dont une compétition, organisée à l’étranger, peut avoir des conséquences à l’échelle nationale. Pour cela, le contexte européen d’entre-deux-guerres, dans lequel le grand événement sportif apparaît comme le levier de problématiques sociales et internationales, est un exemple pertinent. A travers l’étude de l’héritage des Jeux olympiques d’Amsterdam en 1928 sur le sport Français, nous chercherons à comprendre les mécanismes d’effets dans une approche historique. La méthodologie adoptée consiste à analyser la presse sportive de l’époque, et plus particulièrement les journaux L’Auto et Le Miroir des sports, ainsi que le bulletin officiel de la Fédération Française d’athlétisme (L’Athlétisme). Cette démarche rend possible l’étude des effets olympiques sur les représentations du sport sa forme compétitive, mise en exergue durant les Jeux, et de préciser la manière dont la pratique d’une discipline, l’athlétisme, a pu être affectée.

L’intérêt pour l’édition olympique de 1928 se justifie au regard de différents phénomènes contextuels qui sont autant de sources potentielles d’héritages. En effet, les acteurs susceptibles de produire les effets évoluent dans un contexte historique donné, dont les caractéristiques sont visibles à travers la signification même de l’événement (Bolz, 2014). En ce sens, l’organisation des Jeux de 1928 se situe au carrefour de différents enjeux. D’abord, elle se déroule dans l’élan des Jeux de Paris. Les acteurs Français, sensibles à la question de l’olympisme, sont donc potentiellement susceptibles de s’approprier les Jeux d’Amsterdam comme leviers de problématiques nationales. Ces problématiques sont davantage significatives que le phénomène sportif est pleine mutation (Terret, 2007). Le déploiement des fédérations, la multiplication des épreuves et les changements de pratiques pourraient ainsi bénéficier d’un autre éclairage au prisme de l’héritage des grands événements sportifs internationaux. Par ailleurs, le contexte d’entre-deux-guerres exacerbe la nécessité de forger des individus utiles et, par conséquent, moralement et physiquement solides (Saint-Martin, 2005). A ce titre, les Jeux olympiques doivent faciliter la formation des individus en faisant la promotion de modèles sportifs en adéquation avec les ambitions éducatives. Enfin, boycottée depuis la fin de la Grande Guerre, le retour de l’Allemagne en 1928 donne un autre sens aux Jeux. Cette réintégration attise le sentiment national et stimule la mise en place de nouvelles mesures efficaces.

Ces significations s’entrecroisent et se retrouvent dans les deux résultats sélectionnés. En premier lieu, dans la presse, le déroulement des Jeux olympiques n’engendre pas la réaction à laquelle les lecteurs, et les historiens, auraient pu s’attendre. La mise en exergue de champions spécialisés durant les compétitions, réalisant des efforts jugés excessifs, fait dévier les Jeux des attentes éducatives préalables. Ce paramètre, pourtant caractéristique des mutations du sport à l’époque, est décrit comme nuisible à un développement harmonieux. Ces critiques sont d’autant plus importantes que le principe d’amateurisme, considéré comme jalon moral d’une éducation par l’exercice physique, est mis à mal. En effet, la possibilité qu’ont certains athlètes, et notamment ceux du bataillon de Joinville dans lequel on retrouve Jules Ladoumègue, de s’entraîner sans avoir à travailler est décriée. La presse se sert alors de ces arguments pour discréditer la pratique sportive compétitive dans les articles des années suivantes, et valoriser celle de l’éducation physique, jugée plus pertinente au regard des enjeux sociaux.

 D’un autre côté, la fédération d’athlétisme se sert de l’approche des Jeux pour modifier l’organisation de la préparation et de la prospection des olympiens. La difficulté rencontrée dans le cadre des grandes compétitions des années 1920 est de repérer des « potentiels » en dehors de la capitale Française. Des « conférences de préparation olympiques » sont alors établies dans treize villes et doivent répondre aux besoins d’une prospection efficace en direction des ligues et clubs provinciaux. Cependant, malgré son caractère expérimental, il génère des effets inattendus. Des acteurs fédéraux reprennent leur principe pour édifier une commission et diffuser, plus largement et à long terme, les principes d’une doctrine d’entraînement athlétique. Cette Commission d’Education Physique et Sportive diffusera dans le bulletin officiel dans extraits de manuels d’entraînement et collaborera avec les Instituts Régionaux d’Education Physique pour former les futurs éducateurs. Néanmoins, la méthode historique ne permet pas de distinguer les retombées concrètes en identifiant le nombre d’individus ayant bénéficié des initiatives de la fédération.

Ce travail encourage donc l’analyse de l’héritage des grands événements sportifs organisés à l’étranger. En faisant écho à des significations qui puisent leur fondement dans le contexte historique, ces manifestations, organisées en nombre et plus ou moins périodiquement au cours du XX^ème siècle, représentent de nouveaux angles de compréhension du phénomène sportif.

Mots clés : héritage, olympisme, événement sportif international, entre-deux-guerres

Références

Bolz, D. (2014). L’événement en histoire culturelle du sport: essai d’historiographie. Movement & Sport Sciences, (86), 81-91

Potwarka, L., Ramchandani, G., Castellanos-García, P., Kokolakakis, T., Teare, G., & Jiang, K. (2021). Beyond the host nation: an investigation of trickle-down effects in the ‘Hometowns’ of Canadian athletes who competed at the London 2012 Olympic Games. European Sport Management Quarterly, 1-20.

Saint-Martin, J. (2005). L’éducation physique à l’épreuve de la nation 1918-1939 (Sciences, corps & mouvements). Paris: Vuibert.

Scheu, A., & Preuss, H. (2017). The legacy of the Olympic Games from 1896–2016. A systematic review of academic publications. Mainzer Papers on Sport Economics and Management, 1-115.

Terret, T. (2007). Histoire du sport (Que sais-je ?). Paris : Presses Universitaires de France.

Weed, M., Coren, E., Fiore, J., Wellard, I., Chatziefstathiou, D., Mansfield, L., & Dowse, S. (2015). The Olympic Games and raising sport participation: A systematic review of evidence and an interrogation of policy for a demonstration effect. European Sport Management Quarterly, 15(2), 195-226.

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