Lisa Moyon est doctorante au Laboratoire VIPS² (Valeurs, Innovations, Politiques, Socialisations et Sports) de l’Université de Rennes 2.

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lisa.moyon@univ-rennes2.fr

Le surpoids et l’obésité progressent dans le monde entier depuis des décennies. En 2020, l’OMS dénombrait 2 milliards d’adultes touchés par le surpoids (IMC ≥ 25kg/m²) et 700 millions par l’obésité (IMC ≥ 30kg/m²), avec des taux en constante hausse (OECD obesity update, 2017). L’obésité, catégorisée en 3 classes (Classe I, IMC ≥ 30kg/m² ; Classe II, IMC ≥ 35kg/m² ; Classe III, IMC ≥ 40kg/m²), est reconnue comme une pathologie chronique complexe, et est devenue un problème de santé publique pour de nombreux pays dénombrant plus de 50% de leur population en surpoids ou obèse (e.g., Mexique, Etats-Unis, Angleterre, Canada ; OECD obesity update, 2017). Outre des données de plus en plus alarmantes observées chaque année, l’obésité est associée à de nombreuses comorbidités impactant négativement les plans physiologique (e.g., Ferrannini, 1995), social (e.g., Hartung & Renner, 2013) mais également psychologique (e.g., Hill, 2005) des individus. Plusieurs études ont ainsi révélé des associations entre l’obésité et des variables psychologiques telles que l’anxiété, la dépression, l’image corporelle ou l’estime de soi (e.g., Carraça, 2021, pour revue). Cette dernière, qui constitue une perception consciente de ses propres qualités, est considérée comme un indicateur de la santé mentale. Par ailleurs, un haut niveau d’estime de soi serait lié à davantage de persévérance à la suite d’un échec ainsi qu’un meilleur engagement dans l’activité (Di Paula & Campbell, 2002), tant recherché dans les programmes de traitement de l’obésité. Plusieurs méta-analyses se sont orientées vers ce sujet d’étude, questionnant l’effet d’un traitement pédiatrique de l’obésité basé sur l’activité physique, ou bien l’impact d’une prise en charge multifactorielle d’adolescents en situation d’obésité sur l’estime de soi et démontrant des résultats mitigés (e.g., King et al., 2020, pour revue). Par ailleurs, la relation entre l’estime de soi et l’obésité a été investiguée dans le cadre d’une revue systématique ciblant les enfants et les adolescents, permettant d’identifier une corrélation négative entre ces deux variables (Griffiths, Parsons & Hill, 2010). Nous nous attendons donc à observer la même relation chez les adultes. Les différentes études, qui reflètent l’attrait de l’investigation de l’estime de soi chez les jeunes, mettent également en lumière la faible représentation des adultes en tant que sujets d’étude. Pourtant, il semble nécessaire d’appréhender la corrélation qui régit ces deux variables dans la population adulte. Il est donc aujourd’hui essentiel de mieux comprendre les effets du surpoids et de l’obésité sur les niveaux d’estime de soi, au regard du degré d’IMC, afin d’être en mesure de proposer une prise en charge adaptée et personnalisée.

Afin de mieux comprendre l’évolution de l’estime de soi en lien avec le degré de surpoids ou d’obésité chez l’adulte, une étude de la littérature existante sur le plan qualitatif (cf. revue systématique), en vue de réaliser une analyse statistique dans le cadre d’une méta-analyse, a été menée et enregistrée sous PROSPERO (N° CRD42021283736) en suivant les règles méthodologiques strictes régissant ce type d’analyse (cf. PRISMA).

L’analyse descriptive des articles retenus en lien avec des critères d’inclusion préalablement définis a permis d’observer des tendances dans la littérature. Effectivement, à partir des 2575 documents (hors doublons) identifiés grâce à une recherche avancée sur SPORTDiscuss, MEDLINE, PsycInfo, Cochrane ou de manière indépendante, seuls 32 ont finalement fait l’objet d’une extraction de données. Pour être inclues dans la méta-analyse, les études devaient porter sur des adultes (≥18 ans) sans limite d’âge maximale présentant un surpoids (IMC ≥ 25 kg/m²) ou une obésité (IMC ≥ 30 kg/m²) et provenant d’échantillons cliniques ou non cliniques. Certaines catégories d’individus spécifiques pour lesquelles le calcul de l’IMC n’était pas pertinent ont été exclues (e.g., femmes enceintes, sportifs de haut niveau). L’objectif de la méta-analyse menée étant de définir plus précisément les corrélations entre l’IMC et le degré d’estime de soi perçu, le type d’intervention ne constituait pas un critère déterminant. Par ailleurs, l’utilisation d’outils de mesure fiables et validés scientifiquement a été jugée indispensable, faisant donc l’objet d’un critère d’exclusion dans le cas inverse. De même, les études évaluant l’estime de soi à partir de quelques items issus d’un questionnaire destiné à la mesure d’une variable différente (e.g., qualité de vie) ont été exclues. Les données devaient par ailleurs être originales et quantitatives pour être inclues. Les réunions et conférences, les résumés et les posters, ont été exclus en raison de leur manque de données statistiques, tout comme les articles de synthèse et les articles non publiés en lien avec un souci de fiabilité des données.

Après avoir éliminé les doublons, les titres et les résumés des résultats de recherche ont été analysés. Les textes intégraux ont ensuite été récupérés pour tous les articles potentiellement éligibles et examinés à leur tour, permettant donc d’identifier 32 articles pour un total de 42 corrélations retenues.

Les premiers résultats issus de l’analyse systématique de ces études ont révélé plusieurs points importants :

Caractéristiques des publications. Nous constatons que la plus grande partie d’entre elles a fait l’objet d’une publication entre 2010 et 2020 (i.e., 59.4%). D’autre part, les Etats-Unis se sont réellement emparés de cette problématique de santé avec 13 publications provenant de ce pays, les autres étant issus d’Europe – bien que la France ne soit pas représentée – (17 publications) ou d’Océanie (2 publications).

Caractéristiques des participants. La plupart des études (46.9%) se basent sur un échantillon de 100 à 200 individus (Médiane_{bParticipants} = 139, Min = 24 – Max = 3101) âgés en moyenne de 42.42 ans (Min = 20.39 ans – Max = 55.00 ans). Dans ces échantillons, la part des femmes est sur-représentée puisque sur les 32 études retenues, 12 ont choisi d’investiguer uniquement les femmes et 18 observent une part de cette population supérieure ou égale à 50% au sein de l’étude.

L’IMC moyen le plus représenté est caractéristique de l’obésité de classe II, soit de 35 à 39.99 kg.m², avec une moyenne dans les études retenues de 37.25 kg/m². Ainsi, les personnes en situation d’obésité constituent la population la plus investiguée dans ce cadre car quasiment la moitié des études (46.8%) retenues ont fait le choix de s’intéresser exclusivement à cette population, excluant les individus en surpoids.

Caractéristiques des outils de mesure de l’estime de soi. La mesure de l’estime de soi a été réalisée à l’aide du Rosenberg Self Esteem Scale (RSES) dans 31 études, et du State Self Esteem Scale (SSES) dans 1 seule. Le premier outil (cf. RSES) est issu du modèle unidimensionnel et global de l’estime de soi tandis que le second (cf. SSES) tire ses fondements du modèle multidimensionnel. Pourtant, en considérant les avancées théoriques liées à l’évolution de ce concept, c’est l’estime de soi globale hiérarchique qui constitue le modèle de référence aujourd’hui. Dans cette logique, il est donc étonnant qu’aucune étude n’ait utilisé des outils de mesure davantage multidimensionnels et hiérarchiques comme l’Inventaire du Soi Physique (Ninot, Delignères & Fortes, 2000), par exemple.

Corrélations entre l’IMC et l’estime de soi. Nous observons une certaine hétérogénéité dans les résultats des 42 corrélations issues des articles. Quand 3 illustrent une corrélation positive (i.e., quand l’IMC augmente, l’estime de soi augmente également), 12 montrent une corrélation négative (i.e., quand l’IMC augmente, l’estime de soi diminue), ce qui correspond davantage à l’hypothèse posée initialement. Toutefois, la plupart des corrélations, 27 sur les 42, ne sont pas significatives, et ne montrent donc pas de liens entre l’IMC des individus et leur degré d’estime globale de soi.

Cette analyse systématique de la littérature est le prélude à une analyse quantitative (i.e., méta-analyse) des données statistiques extraites de ces articles.

Dans une perspective appliquée, les connaissances développées permettront de mieux comprendre les liens entre l’estime de soi des personnes et leur IMC, permettant ainsi d’améliorer et de davantage personnaliser la conception de programmes d’intervention efficients, qu’ils soient digitaux ou non, au regard des spécificités d’un public d’adultes en surpoids ou en obésité. En effet, à l’heure où le numérique occupe une place grandissante et constitue une partie des prises en charge de demain, l’efficacité de ces interventions digitales basée sur l’identification et l’articulation des leviers impliqués revêt un caractère primordial dans la lutte et la prévention de l’obésité.

Bibliographie

Carraça, E. V., Encantado, J., Battista, F., Beaulieu, K., Blundell, J. E., Busetto, L., … Oppert, J.-M. (2021). Effect of exercise training on psychological outcomes in adults with overweight or obesity: A systematic review and meta-analysis. Obesity Reviews, 22(S4), 1-18.

Di Paula, A. & Campbell, J. D. (2002). Self-esteem and persistence in the face of failure. Journal of Personality and Social Psychology, 83(3), 711-24.

Ferrannini E. (1995). Physiological and metabolic consequences of obesity. Metabolism: clinical and experimental, 44(9 Suppl 3), 15–17.

Griffiths, L. J., Parsons, T. J., & Hill, A. J. (2010). Self-esteem and quality of life in obese children and adolescents: a systematic review. International Journal of Pediatric Obesity, 5, 282-304.

Hartung, F. M. & Renner, B. (2013). Perceived and actual social discrimination: the case of overweight and social inclusion. Frontiers in psychology, 4, 147.

Hill, A. J. (2005). Psychological aspects of obesity. Psychiatry, 4(4), 26-30.

King, J. E., Jebeile, H., Garnett, S. P., Baur, L. A., Paxton, S. J., & Gow, M. L. (2020). Physical activity based pediatric obesity treatment, depression, self-esteem and body image: a systematic review and meta-analysis. Mental Health and Physical Activity, 19, 1-11.

OECD. (2017). Obesity update. http://www.oecd.org/health/health-systems/Obesity-Update-2017.pdf

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